Football

12 octobre 2022, 20h16

Benfica

Supporters au Estádio da Luz

La double confrontation face au Paris-Saint-Germain a su tenir ses promesses. Le 25 août dernier, le tirage au sort des phases de groupes de la Ligue des Champions a dicté que Benfica ferait face à l’un des plus gros cadors d’Europe. Retour sur les émotions procurées par ces deux rencontres.  

L’équipe française, éliminée en huitièmes de finale de l’édition 2021/22 par le Real Madrid, actuel tenant du titre, n’a, avec son trio MNM (Messi - Neymar - Mbappé), jamais caché son ambition de remporter sa première étoile en Ligue des Champions. Dès leur passage en phase de qualifications, les Aigles ont su que la suite de la compétition européenne n’allait pas être de tout repos. Mais, comme déclaré par Roger Schmidt avant le match aller au Estádio da Luz : « C'est ce type de match que nous voulons disputer quand nous jouons en Ligue des Champions ». Chose promise, chose due. Les chocs entre les deux équipes ont respecté la ferveur qui se dégageait sur le papier.  

« C’est ce type de match que nous voulons disputer quand nous jouons en Ligue des Champions »

Roger Schmidt

Un choc historique, une rencontre d’origines 

Pour l’occasion, nous sommes allés interroger quelques supporters du Benfica qui vivent en terre française. Retour sur un choc de clubs « France / Portugal » qui va bien au-delà du football.

Benfica n’a pas affronté un adversaire inconnu. En compétitions officielles, les deux équipes se sont déjà rencontrées huit fois, et quasiment autant de fois en matches amicaux. Une rencontre toujours suivie avec un engouement tout particulier, quel que soit le stade. Et pour l’expliquer, plusieurs raisons. La première est évidente : l’idée de voir cette équipe du Benfica affronter l’une des équipes à l’effectif le plus cher du football européen (plus de 890 millions d’euros d’après Transfermarket) allait forcément susciter l’intérêt de tout supporter et de tout fan de football.

En plus des constellations parisiennes, les deux clubs sont liés par des joueurs. Lumière sur Renato Sanches, footballeur formé au Benfica Campus, joueur du PSG depuis ce début de saison 2022/23, premier nom d'une longue liste de joueurs qui ont représenté les deux clubs où figurent, par exemple, Humberto Coelho, João Alves, Valdo, Ricardo Gomes, Hugo Leal, Laurent Robert, Di María… Malheureusement blessé, les supporters ont dû se contenter d’apercevoir Renato Sanches dans les tribunes. À contrario, Julian Draxler, international allemand qui représente le SL Benfica en tant que joueur prêté par les parisiens cette saison, était bien présent pour affronter le PSG. Lancé à la 78e au Estadio da Luz et à la 77e au Parc des Princes, Julian Draxler a, à l’aller comme au retour, tenté de concrétiser face au Paris Saint-Germain.  

Nous trouvons la principale raison de cet engouement en parcourant l’histoire. Nul besoin de rappeler que la communauté portugaise est l’une des communautés les plus représentées en France : « Être supporter du Benfica en France n’est pas difficile vu le nombre de portugais ici » (Christian). D’ailleurs, Paris est la troisième ville portugaise du monde, après Lisbonne et Porto. La population totale de portugais natifs ou d’origine est estimée à plus de 300 000 ressortissants, rien qu’à Paris et sa banlieue. 

Cette double confrontation entre deux clubs de capitale tombait à pic pour les supporters « parce qu’en tant qu’immigré, ce n’est pas toujours facile de pouvoir voir les matches du Benfica. Forcément, la plupart des matches sont vus à la télé, tout en ayant une pensée pour ceux qui sont en tribunes, en train de pousser l’équipe » (Émilie).  

Au match aller, ce sont 62 306 supporters qui étaient présents au stade. « A Catedral » comme appelée par les adeptes du Benfica, a honoré sa réputation. Les supporters n’ont cessé de chanter, crier, pousser, porter l’âme benfiquista. Roger Schmidt le sait, c’est dans le soutien de ses supporters que son équipe a puisé la force. Les adeptes du Benfica, c’est le 12e joueur de l’équipe. En conférence d’avant-match, il déclarait : « Avec nos supporters dans le stade, nous nous sentirons liés à eux et les joueurs auront l'ambition de jouer un grand match et de se battre pour les trois points ». La connexion demandée par l’entraîneur a bien été établie. Dany, supporter du Benfica qui a fait l’aller-retour Paris-Lisbonne pour venir voir le match des Aigles, nous a transmis un retour des supporters parisiens avec qui il a échangé : « Votre public est un public de connaisseurs, lorsqu’il y a une touche de balle vers l’avant, le public entier se met à crier. À la moindre récupération de balle, il y a une réaction des supporters » d’ailleurs, « ils ont été très surpris », nous explique Dany. « Ils m’ont clairement dit que l’Estádio da Luz est l’un des meilleurs stades qu’ils ont fait de leur vie, en termes d’ambiance ».  

Détermination, ferveur et caractère au match aller 

Les hommes de Roger Schmidt ont certainement imaginé tous les scénarios de match possible face aux stars du Paris Saint-Germain. Une seule demande de la part de l’entraîneur allemand : « Pour faire un bon match, nous devons croire en notre travail. Nous devons nous ajuster, mais nous devons aussi jouer à la manière du Benfica ». Chez les supporters, on ressent de la fierté « je ne pensais pas qu’on allait être aussi bons » nous dit José, 54 ans, benfiquista depuis tout petit, lui qui a connu les Aigles à travers les époques. « Mon meilleur souvenir, c’est la finale d’Europa League de 2013/2014 contre Séville, malgré la défaite, on a montré du football de qualité. Ce jour-là, j’ai ressenti un sentiment de fierté. Mon club a imposé le respect et montré son niveau dans toute l’Europe. » C’est donc tout naturellement qu’il continue de rester fidèle et qu’il se languissait de voir une nouvelle rencontre européenne, cette fois-ci, contre le club de sa ville de résidence depuis maintenant plus de 25 ans. « Cette fois encore, il faut montrer notre niveau à l’échelle européenne ». 

Le « sentiment de fierté » a perduré, surtout après ce match aller, le mercredi 5 octobre, au Estádio da Luz. Les benfiquistas, d’abord menés au score à la 22e minute suite à une sublime frappe enroulée de Messi, résultat d’une action collective de la MNM, ne se sont pas laissés abattre. La force collective de l’équipe, le pressing haut, intense a permis à Benfica de revenir au score. Sur un centre d’Enzo Fernandez, Donnarumma s’est incliné face à son propre défenseur Danilo, qui a subi la pression benfiquista et marqué contre son camp. En deuxième mi-temps, beaucoup d’occasions de part et d'autre, avec des prestations de qualité pour les deux gardiens. Odysseas et Donnarumma ont tous deux bataillé pour ne pas aggraver le score. La rencontre se terminera sur une parité 1-1, après un match intensif, au rythme soutenu, et avec des Aigles désinhibés, dont la force de caractère a été largement démontrée sur leur propre pelouse. Quelques frustrations pour les supporters : « Nous avons manqué de réalisme, le match aurait pu basculer en notre faveur » (Filipe), mais pour autant, l’équipe a « imposé le respect » (Bruno) avec une « prestation XXL » (Dany).  

À la maison, même au Parc des Princes  

Les Aigles connaissaient déjà bien le Parc des Princes : lors d’une rencontre face à l’équipe de la capitale française en 2013, ce ne sont pas moins de 20 000 supporters vêtus de rouge et de blanc qui sont venus soutenir ceux que l’on appelle « Os Encarnados ». Pour rappel, le Parc des Princes compte 47 929 places. David, 26 ans, se souvient de ce match en particulier dans le stade parisien : « J’ai vécu la déroute européenne face à Ibrahimovic », un match qui s’était soldé par une défaite des Aigles 3 à 0 (dont un doublé de Zlatan Ibrahimovic) en phase de Groupes de la Ligue des Champions.  

José, lui, était présent en 2011 en huitièmes de finale de Ligue Europa, résultat : 1-1 avec la qualification du Benfica grâce à un but de Gaitan, et une égalisation de Matthieu Bodmer. Filipe, lui, était là en 2007 en huitièmes de finale de la Coupe Europa, défaite 2-1 des Aigles « Luisão se blesse au bout d’une demi-heure et du coup, on a pu assister au tout premier match de David Luiz sous nos couleurs ». Cette année-là, il a vécu l’un des plus beaux moments de sa vie : « En 2007, le PSG reçoit Benfica et il se trouve que l’équipe vient séjourner dans un hôtel situé à trois minutes de chez moi. J’ai pu voir Fernando Santos, Simão Sabrosa, Karagounis, Petit et Quim. J’ai même pu voir Eusebio. Ce jour-là, j'ai eu un maillot dédicacé de la plupart des joueurs de l’équipe. » Il sera également au Parc pour le match retour, afin d’apporter son soutien, physiquement, au club de son cœur, et rajouter un souvenir inoubliable dans sa vie de supporter du Benfica.  

Une nouvelle page de l’histoire s’est alors écrite cette saison, pour toutes les générations de supporters du Benfica, et surtout pour celles issues de l’immigration.   

Scénario différent mais score similaire 

Ce mardi 11 octobre, les Aigles se sont rendus au Parc des Princes, une nouvelle fois, pour disputer le match retour de ce groupe H de la Ligue des Champions. Le club du Benfica ne s’est encore jamais imposé en terre française. Tous les deux au coude-à-coude en tête du classement du groupe, et avec un parcours similaire (même nombre de points), une victoire de l’un ou de l’autre pouvait permettre l’accès en huitièmes de finale, directement

David Neres étant blessé, Roger Schmidt a dû opérer une tactique différente pour ce match retour. Aursnes a intégré le onze de départ et Messi, blessé également du côté parisien, a été remplacé par Sarabia. C’est une équipe du Benfica moins offensive que l’on voit sur cette pelouse du Parc des Princes, mais avec une solidité défensive indiscutable. Même scénario qu’à l’aller, le PSG mène 1-0 à partir de la 39e minute suite à un penalty transformé de Kylian Mbappé, pour une faute de Antonio Silva sur Juan Bernat. Les Aigles sont menés, mais ne se laissent pas abattre, une fois encore. Après la mi-temps, le match reprend avec une autre intensité. Verratti fait une faute sur Rafa dans la surface et c’est un nouveau penalty sifflé par Michael Olivier, l’arbitre anglais de cette rencontre. João Mário tire, surprend Donnarumma et revient au score à la 62e. S’en suivent 30 minutes rudes pour les Aigles qui parviennent à maintenir le score. Coup de sifflet final ! Les Aigles tiennent en échec le PSG au Parc des Princes, et restent en tête du groupe, à égalité, face à ce géant français, devant des supporters du Benfica en nombre pour soutenir leur équipe. « C’était un match un peu terne pour les amateurs de spectacle, mais on a été très compétents. Beaucoup de personnalité, de caractère. On a regardé le PSG dans les yeux, avec nos armes ! » (Filipe).  

« On a regardé le PSG dans les yeux, avec nos armes ! »

Filipe 

Les supporters du Benfica étaient un peu plus de 3000 dans le parcage visiteurs, sans compter les supporters des tribunes attenantes. Pendant ces 93 minutes, ils ont donné de la voix. « On a entendu nos supporters chanter tout le match ! ». Lors de l’égalisation, le parcage s’est transcendé. Le Parc des Princes a vibré. « Même les parisiens filmaient notre célébration ». Un parcage d’union entre supporters du Benfica, issus ou non de l’immigration, français, portugais où même la femme et le fils de l’entraîneur Roger Schmidt étaient présents pour soutenir l’équipe. « C’était un trop plein d’émotions. Benfica, Match de Ligue des Champions, à Paris, au Parc des Princes. J’ai un sentiment de fierté, très fort » (Filipe).

Une confrontation qui n’a pas seulement ravi les fans de football hier soir, mais qui a surtout permis aux supporters d’un club, dont l’histoire parfois tragique du passé a créé une distance physique entre un pays d’origine, et un pays d’évolution : de vivre, le temps d’une soirée, sur le pont qui relie la France au Portugal, l’histoire aux origines, le football à l’émotion.

Parce qu’au final, on peut ne pas parler le Portugais, le football restera toujours un langage universel.  

Texte: Céline Vieira et Elodie Ferreira Pires
Photos: SL Benfica
Dernière actualisation: jeudi 21 mars 2024

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